Il est temps de mettre un terme à l’État d’exception permanent que connait le Togo

IL EST TEMPS DE METTRE UN TERME A L’ETAT D’EXCEPTION
PERMANENT QUE CONNAIT LE TOGO.

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La CEDEAO s’apprête à proposer une feuille de route pour sortir le Togo de la crise politique qui s’est aggravée depuis le 19 août 2017. Cette crise politique récurrente est la conséquence des actes politiques posés, depuis le début des revendications démocratiques de 1990, d’une part par les gouvernants togolais et d’autre part par les institutions sous-régionales et la communauté internationale dans la gestion de la crise de 2005.

ETAT DES LIEUX
Comme son père, M. Faure Gnassingbé a pris le pouvoir par la force au Togo à la suite d’une succession de coups d’Etat sanglants. Le père et le fils se sont maintenus au pouvoir, par l’instauration progressive d’un Etat de terreur qui perdure au Togo, camouflé par des élections frauduleuses.

En effet, au lendemain du décès du Général GNASSINGBE Eyadéma et des coups de force de son fils Faure pour lui succéder, la CEDEAO et l’Union Africaine avaient proposé, comme solution de sortie de crise, l’organisation d’une élection que tous savaient frauduleuse. Malgré le bain de sang qui
s’en était suivi et qui a fait plus de 500 morts, Faure GNASSINGBE a été bel et bien imposé au peuple togolais par les institutions sous-régionales, avec l’appui de certains pays occidentaux dont la France. L’argumentaire développé à l’époque pour faire la promotion de cette succession dynastique était que la filiation de M. Faure GNASSINGBE, laquelle en fait un métis ethnique, serait de nature à rassurer l’armée, à préserver la paix au Togo et à y instaurer la démocratie et la bonne gouvernance.

Après plusieurs mois de dialogue, un accord politique fut signé en Août 2006 entre les protagonistes de la crise politique togolaise. Cet Accord Politique Global (APG) incluait les vingt-deux (22) engagements signés en 2004 par le Général GNASSINGBE Eyadema, en contrepartie de la reprise de la coopération de l’Union Européenne. L’APG devait permettre des réformes constitutionnelles et institutionnelles incluant notamment la limitation du nombre de mandats présidentiels, l’alternance à la tête du pays ainsi
que la fin de l’impunité. Douze années plus tard, les points principaux de cet accord n’ont pas connu un début de mise en œuvre. Le Togo demeure de ce fait une exception et un anachronisme en Afrique de l’Ouest et viole impunément plusieurs dispositions du protocole de la CEDEAO relatif au Mécanisme de Prévention, de Gestion, de Règlement des conflits, de Maintien de la paix et de la sécurité signé à Lomé le 10 décembre 1999, ainsi que son Protocole additionnel sur la Démocratie et la Bonne gouvernance.

La communauté internationale doit se l’avouer : sa lecture de la situation politique au Togo a toujours été erronée et les remèdes qu’elle y a préconisés se sont toujours révélés inefficaces. Il est nécessaire qu’elle prenne en compte la conclusion à laquelle bon nombre de togolais sont arrivés : le système GNASSINGBE n’est pas réformable et restera un éternel frein à l’avènement de la démocratie et de la bonne gouvernance au Togo et dans la sous-région ! Il est temps de l’abolir.

Il est clair pour tous les togolais que le système UNIR de M. Faure Gnassingbé est la continuité du système mis en place par son père le Général GNASSINGBE Eyadéma à partir de 1970, sur les modèles du Zaïre du Maréchal Mobutu et de la Corée du Nord de Kim il Sung.

Version Rassemblement du Peuple Togolais (RPT) comme version Union pour la République (UNIR), le système GNASSINGBE en place repose sur les piliers suivants :
– Une armée clanique, non républicaine, répressive assurant par l’arbitraire, la terreur ainsi que par le contrôle de l’administration territoriale et des institutions économiques publiques ou privatisées, la mainmise sur le Togo et le maintien au pouvoir de la dynastie GNASSINGBE ;
– L’impunité garantie à cette armée pléthorique ainsi qu’à ses milices, pour toutes les exactions, trafics mafieux, actes illicites qui sont le fondement de son hégémonie politique et économique ;
– Le non-respect des engagements et accords signés tout au long de la crise permanente, à rebondissements réguliers, que traverse le pays depuis le début des revendications démocratiques en 1990 ;
– La mainmise sur toutes les institutions de la République et leur instrumentalisation afin qu’elles œuvrent, de concert, à la pérennité du système et à la conservation du pouvoir dans le giron familial ;
– La prédation des ressources économiques et matérielles du pays au profit d’une poignée de fidèles, alors qu’une écrasante majorité de la population croupit dans la misère.

Cette gouvernance basée sur le clientélisme, le népotisme et la corruption ne laisse aucune chance aux projets de développement du pays. Les secteurs de l’éducation et de la santé sont sinistrés, sans aucun espoir de redressement sous ce régime. Le chômage endémique est la chose la mieux partagée par les
jeunes qui voient leur avenir compromis. La justice et l’administration sont aux ordres.

Aujourd’hui, au Togo, l’instrumentalisation des clivages ethniques s’est aggravée et les notions de bien public, de bonne gouvernance, de bien-être des populations, d’alternance politique sont complètement absentes des conceptions et pratiques politiques du système des GNASSINGBE.

Face à ce long règne de plus de 51 ans d’une même famille et à la situation explosive dans laquelle le Togo se trouve, vouloir appliquer de nouveau les vieilles recettes préconisées en 2005 par la CEDEAO serait suicidaire. Il est temps de changer de paradigme et de mettre fin à l’exception togolaise.

De nouvelles élections organisées par les tenants de l’Etat de terreur ne déboucheront que sur de nouvelles violences et tueries postélectorales. Pire, lors des expériences passées de transition politique ou de gouvernement d’union nationale avec un GNASSINGBE, le système en place a su user de
subterfuges pour annihiler ou bloquer, par des coups de force et par la terreur, toute avancée démocratique et ce, jusqu’à l’organisation de mascarades électorales aux résultats connus d’avance.

PROPOSITION DE SORTIE DE CRISE

Le Collectif TogoDebout espère qu’au nom « des principes de convergence constitutionnelle » définis à la « Section I du Protocole A/SP1/12/01 sur la démocratie et la bonne gouvernance additionnel au Protocole relatif au mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la Paix et de la sécurité », la CEDEAO veillera à ce que sa feuille de route puisse être en accord avec les principes communs à tous les Etats membres de la CEDEAO, et convenir aux aspirations profondes que la majorité du peuple togolais et sa diaspora souhaitent voir se concrétiser sans délai, notamment :
* La libération sans condition des prisonniers politiques et de toutes les personnes arbitrairement arrêtées depuis le déclenchement de la contestation populaire d’Août 2017, la levée du blocus des villes et quartiers assiégés sous des motifs fallacieux et la restauration des libertés
fondamentales ;
* Le retour à la Constitution originelle telle qu’adoptée à 98,11% des suffrages, par référendum constitutionnel le 27 septembre 1992 ;
* Le départ immédiat de M. Faure GNASSINGBE avec octroi d’une amnistie conditionnelle pour les crimes imprescriptibles contre la Nation commis lors de son accession au pouvoir et pour les atteintes graves portées à la paix et à la stabilité du Togo et de la sous-région ;
* La mise en place d’institutions républicaines de transition chargées de remettre, sans risque de retour, le processus de démocratisation du Togo sur les rails et notamment :

– d’effectuer les réformes institutionnelles,
– de finaliser le processus de décentralisation en lui redonnant son objectif de véritable instrument de démocratie et de développement à la base,
– de remettre à plat le processus électoral par la refonte du code électoral et du fichier électoral dans le but d’organiser des élections crédibles, transparentes et démocratiques,
– de prendre les dispositions nécessaires pour enclencher une réforme en profondeur et irréversible de l’institution judiciaire pour mettre fin à l’impunité et à l’arbitraire au Togo.

 

Bien entendu pour éviter les conflits d’intérêts, les personnes qui se dévoueront pour œuvrer à cette refondation du Togo au sein de l’exécutif de transition, s’engageront à ne pas être candidat à la magistrature suprême lors des élections suivant la fin de la transition.

LES RISQUES INHERENTS A UNE RECONDUCTION DES VIEILLES RECETTES
Il est impératif pour la CEDEAO et pour toute la Communauté Internationale d’œuvrer à l’adoption et à la mise en œuvre rapide de cette feuille de route A défaut, le chantage au chaos au nom duquel la communauté internationale a continué à soutenir ce régime plus que cinquantenaire qui régente le Togo
peut encore durer quelque temps. Mais ce chaos finira par se produire et submergera non seulement le système GNASSINGBE, mais le Togo tout entier et portera gravement atteinte à l’agenda de développement de la sous-région et à la lutte engagée pour venir à bout du terrorisme.

Pour la CEDEAO, il est périlleux, si rien n’est fait, de laisser perdurer un système militaire lézardé de toute part, qui n’a pas hésité à recourir à des vagues d’épurations successives pour maintenir une façade de situation maîtrisée de paix et de stabilité. Le risque d’affrontement interne entre des
factions, si une de ces vagues d’épuration venait à dégénérer, n’est pas une vue de l’esprit. Et compte tenu de la dimension du pays d’une part, du fractionnement, de part et d’autre de ses frontières, des mêmes ethnies, le risque de perturbation des pays voisins et de déstabilisation de leur
économie est bien réel.

Le coup de force contre la Primature en 1991, l’attentat de Soudou en 1992, et les violences pré et post électorales de 1993, 1998 et 2005 ont provoqué des vagues massives de réfugiés vers les pays voisins dans un premier temps, puis vers l’Europe et l’Amérique du Nord lorsque les camps
de fortune ouverts au Ghana et au Bénin principalement ont été fermés.

La désespérance d’une jeunesse sans avenir fait que ce petit pays met chaque année sur les routes, au titre de l’immigration économique vers les autres pays africains, le Maghreb, le Liban et l’Europe, des milliers de jeunes sans avenir qui n’ont d’autre choix que d’aller mourir sur les routes périlleuses du
désert ou de la Méditerranée, même s’ils savent que les chances d’atteindre l’autre rive sont minimes.
Le Togo restera donc pour la CEDEAO une entrave à la convergence économique et politique indispensable à l’intégration économique et au développement de la zone et pour l’Europe une source intarissable de réfugiés si le mal togolais n’est pas résolu à la racine.

A l’attention de l’Union Européenne et en particulier à la France et à l’Allemagne, nous lançons un appel solennel afin que l’Europe cesse d’accorder à des dictatures pyromanes soutien militaire et soutien financier issus de nos impôts, afin que ces dictatures jouent le rôle de remparts contre l’immigration clandestine dont elles en sont la cause et qu’elles n’ont aucun intérêt à voir tarir.

IL EST URGENT D’AGIR, MAINTENANT

Il est encore temps pour la CEDEAO d’agir, pendant que d’anciens membres du système qui connaissent le fonctionnement de l’appareil sécuritaire dont ils ont été écartés, sont encore en vie et disposent d’appuis internes permettant de reprendre assez rapidement la main. Certains rouages de la dictature peuvent en effet être utilisés comme leviers pour mettre un terme à la situation anachronique qui perdure au Togo.
Ces leviers sont :
Un consensus sur le fait que le système GNASSINGBE n’est pas réformable et restera un éternel frein à l’avènement de la démocratie et de la bonne gouvernance au Togo ;
– La concentration des pouvoirs entre les mains de quelques « sécurocrates », qui sont les tenants du statu quo. Ils sont presque tous impliqués dans des crimes de masse, des violations des droits humains ou des trafics illicites pour lesquels ils peuvent, un jour, être appelés à rendre des comptes devant des tribunaux nationaux ou internationaux ;
– Les dizaines de repentis, écartés du système ou exilés, respectés pour ce qu’ils sont et non pour la terreur que certains d’entre eux ont pu faire régner par la passé ;
– Une diaspora nombreuse et formée, disposée à apporter sa contribution pour aider à sortir le pays de l’ornière.

La feuille de route tracée par les protocoles de la CEDEAO pour une convergence des gouvernances en vue du développement économique harmonieux, de l’intégration économique et monétaire de la zone est un corpus cohérent que tous les pays membres doivent adopter. Avec des ressources stratégiques telles que le port en eau profonde, des terres fertiles et des ressources minières non négligeables, le Togo aura un rôle à jouer dans le schéma directeur d’une intégration régionale réussie.
A titre d’exemple, moyennant un repositionnement des pratiques vers des techniques culturales plus respectueuses de l’environnement, l’agriculture pourrait être une source d’approvisionnement en produits frais ou transformés de qualité.

Quant aux forces armées togolaises, il est temps de cesser de les considérer comme la propriété privée du clan GNASSINGBE, une ressource exportable qui risquerait de se volatiliser des opérations internationales de maintien de la paix si cette famille n’était plus au pouvoir au Togo. Car pour les
militaires de l’armée togolaise comme pour l’ensemble de la population togolaise aussi, l’esclavage a été aboli depuis plus d’un siècle et demie. Le Togo n’est pas l’héritage de la famille GNASSINGBE. Il est le
bien commun de tous les citoyens.

Le 12 juillet 2018

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